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Cluny III, la Maior Ecclesia

À la fin du XIe siècle, l'abbaye de Cluny est une des plus importantes capitales de l'Europe chrétienne. Elle est à la tête d'un réseau de près de 1400 dépendances et d'environ 10 000 moines répartis dans l'Europe entière.

La construction aurait pour origine le songe d'un ancien abbé de Baume-les-Messieurs redevenu simple moine, Gunzo, à qui saint Pierre aurait demandé de dire à Hugues de Semur de bâtir une nouvelle église. L'apôtre lui aurait inspiré le plan de la nouvelle abbaye, qui devait être apte à abriter un millier de moines. En fait le songe merveilleux permet de justifier un projet très orgueilleux pour un ordre religieux.

L'Ordre de Cluny a toutefois les moyens de ses ambitions. C'est l'ordre le plus influent du Moyen Âge, qui intègre des établissements de toute l'Europe (Allemagne, Italie, Terre Sainte, Angleterre). C'est même un appui indispensable pour les entreprises réformatrices du pape. De plus, il bénéficie d'un apport de dons en numéraire énorme, par les princes et rois, dont Ferdinand III et Alphonse X, qui assurent chaque année des quantités importantes d'or.

Si la légende a retenu Gunzo comme architecte, le vrai maître d’œuvre est sans doute Hézelon, chanoine mathématicien de Liège devenu moine à Cluny.

L’abbatiale Cluny III, La Maior Ecclesia « La plus grande église », fut construite au nord de Cluny II pendant la période 1088-1130 (achevée sous l'abbatiat de Pierre le Vénérable*). Longue de 187 mètres, c’était la plus grande église de la chrétienté jusqu’à la construction de Saint-Pierre de Rome, plus grande que toutes les autres églises romanes et même que toutes les cathédrales gothiques des siècles suivants (Elle sera la plus grande église de la chrétienté pendant près de 400 ans).

L’édifice marque l’apogée de l’art de bâtir du 11e siècle et définira le style roman clunisien présent partout en Bourgogne au 12e siècle. Un grand atelier de sculpteurs travaillait les 1500 chapiteaux de l’abbatiale.

La grande basilique fut élevée selon le plan archiépiscopal, c’est à dire avec deux transepts entre la nef et le chœur. Le grand transept était couronné de trois clochers : le Clocher du Chœur de plan carré sur la croisée au centre et deux clochers octogonaux sur les croisillons, le Clocher de l’Eau Bénite au sud et le Clocher des Bisans au nord.

Les flancs du transept étaient cantonnés de quatre absidioles et de deux tourelles. Le petit transept ou transept matutinal se trouvait à l’est du grand transept, s’ouvrant sur le chœur et flanqué de six absidioles orientées. Il avait un seul clocher sans ouverture, le Clocher des Lampes, situé sur la croisée.

Le chœur avait une travée droite et une abside avec colonnes de marbre et chapiteaux historiés, un grand déambulatoire et cinq chapelles rayonnantes. L'abside était décorée de fresques qui auraient inspiré celles de la chapelle de Berzé. La partie orientale comprenant le chœur et les transepts a été terminée avant 1100.

La grande nef fut élevée ensuite, vers 1095-1110. C’était une nef romane immense, comprenant onze travées et doubles bas-côtés. L’élévation typiquement clunisienne présentait trois étages : les grandes arcades, le triforium et les fenêtres hautes.

Les piliers cruciformes de la nef étaient flanqués de pilastres cannelés avec chapiteaux sculptés et des voûtes d’arêtes couvraient les collatéraux. Il est probable que la voûte originale de la nef centrale, qui menaçait de s’effondrer rapidement, fut reconstruite en berceau brisé vers 1130. Voilà alors toutes les caractéristiques majeures du roman bourguignon qu’on retrouve encore à Paray, à Autun, à Beaune ou à La Charité.

Le portail ouest de la nef, des années 1115, était un chef-d’œuvre de la sculpture romane, partiellement attribué à Gislebertus d’Autun. Le tympan présentait le Christ en Majesté entre quatre anges et les quatre évangélistes. Le linteau montrait les apôtres dans la scène de l’Ascension, les Saintes Femmes au tombeau et la descente du Christ aux limbes. L’ensemble était complété par des voussures sculptées d’anges et de têtes, des colonnes, des statues et des chapiteaux. Il n’en reste que quelques fragments de sculptures dispersées dans les grands musées.

Le grand narthex fut ajouté à l’ouest de la nef à partir de 1135. Les travaux furent interrompus pendant la deuxième moitié du 12e siècle et la construction ne fut finie que vers 1220-1230, déjà en style gothique. Le narthex comprenait trois nefs à cinq travées, voûtées d’ogives, innovation de la fin du 12e siècle.

A l’intérieur, il y avait un triforium et des clefs de voûtes sculptées. Il y avait une chapelle haute dédiée à saint Michel au-dessus du portail, qui a inspiré la tribune en encorbellement de Semur. La façade était flanquée de deux tours carrées, les Barabans, flanquant le portail extérieur de style gothique.

De l’ensemble majestueux de l’abbatiale Cluny III ne fut sauvé qu’une partie. Largement détruite après la Révolution, on estime que seulement 8 % de l’abbatiale est encore debout à l’heure actuelle. Il s’agit du bras sud du grand transept avec le clocher de l’eau bénite,

des fragments du petit transept, de quelques vestiges du bas-côté sud de la nef, et des ruines et tours du narthex.

* Pierre le Vénérable: Huitième abbé de Cluny (1122), il rétablit la discipline et porta à 2 000 le nombre des maisons clunisiennes, mais il s'opposa à saint Bernard, dont il jugeait le zèle excessif. Il accueillit Abélard après sa condamnation par le concile de Sens. Grand érudit et esprit universel, il fit traduire le Coran pour le réfuter.

Visité en 2020.


Et pour finir, une magnifique reconstitution 3D.



Rue du 11 Août 1944, 71250 Cluny

Accès payant


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