Des gladiateurs à Fontainebleau ?
- Alain Foucaut
- 5 juin 2018
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Abandonné après la Révolution, l'espace constituant aujourd'hui le jardin anglais a été recréé en 1812 par l'architecte Maximilien Joseph Hurtault selon les vœux de Napoléon Ier. Cependant, les lieux ont été aménagés dès le règne de François Ier, qui y avait fait élever un « jardin des Pins ». Ce jardin, connu par les planches de Du Cerceau comme le « jardin du Clos de l'Étang », était disposé à l'emplacement de l'ancien clos des religieux trinitaires. Un marché, passé en 1538 avec Claude de Creil prévoyait plusieurs travaux : l'accroissement d'un petit jardin cultivé, la plantation de vignes, de saules, et la semence de graines de pins.

En 1535 déjà, deux laboureurs de Marrac, près de Bayonne, avaient apporté des essences de pins maritimes. Le roi l'embellit alors de deux fabriques : le pavillon de Pomone (pavillon de repos construit en 1530 à l'angle nord-ouest, orné de deux fresques de l'histoire de Vertumne et Pomone par le Rosso et le Primatice, qui fut détruit en 1566), et l'actuelle grotte du jardin des Pins. Même après la disparition de ces arbres, le nom lui est resté, et Henri IV y plante le premier platane, essence rare à l'époque. Plus nombreux aujourd'hui, les platanes côtoient plusieurs cyprès chauves.

Le jardin est aujourd'hui composé de bosquets et d'une rivière artificielle. Les essences actuellement présentes dans le jardin sont composées notamment d'épicéas, de cyprès chauves, de tulipiers de Virginie et de Sophoras du Japon, dont les plus anciens datent du Second Empire. Le jardin est orné de plusieurs sculptures d'extérieur, parmi lesquelles deux copies d'antiques en bronze du XVIIe siècle : le Gladiateur Borghèse et le Gladiateur mourant, ainsi qu'une œuvre de Joseph-Charles Martin : Télémaque assis dans l'île d'Oygie.
le Gladiateur Borghèse représente en réalité un guerrier combattant.

L'oeuvre, signée sur le tronc d'arbre par Agasias d'Ephèse, fils de Dosithéos, cite les recherches de Lysippe, grand bronzier du IVe siècle av. J.-C. L'accentuation de la musculature porte cependant l'empreinte du style de Pergame. Agasias a su faire revivre l'héroïsme athlétique de Lysippe en y mêlant le pathétique de la période hellénistique. Depuis sa découverte au début du XVIIe siècle, le Gladiateur Borghèse a été loué comme un modèle esthétique du nu masculin en mouvement et a été maintes fois dessiné, modelé et adapté par les artistes modernes et contemporains. La statue a été mise au jour au sud de Rome, à Anzio (l'antique Antium), au cours de fouilles pratiquées sous l'autorité du cardinal Scipion Borghèse, dont elle rejoint la collection peu avant 1611.

Elle est alors restaurée par Nicolas Cordier, qui la complète en ajoutant le bras droit. En 1808, le marbre quitte l'Italie pour entrer au Louvre, à la suite de l'achat de la collection par Napoléon Ier à son beau-frère le prince Camille Borghèse. L'oeuvre a longtemps été considérée à tort comme un gladiateur avant d'être reconnue comme un guerrier combattant, en raison du brassard de bouclier sur son bras gauche. Il ne pouvait d'ailleurs s'agir d'un gladiateur puisque les Grecs ignoraient les jeux du cirque. Le héros se fend dans un élan qui projette le buste vers l'avant, en un mouvement de défense et d'esquive. Protégé derrière son bouclier, il s'apprête à riposter, épée au poing, le visage violemment tourné en direction de son assaillant (peut-être un cavalier ?).
Le Galate mourant, parfois intitulé le Gladiateur mourant,

est la copie romaine en marbre d'un original grec perdu, vraisemblablement exécuté en bronze, commandé entre 230 et 220 av. J.-C. par Attale Ier de Pergame pour commémorer sa victoire sur les Galates. Cette sculpture antique est exposée au Palais Neuf (musée du Capitole) à Rome. La statue représente avec un réalisme saisissant l'agonie d'un guerrier celte, réalisme particulièrement remarquable dans le traitement du visage.

Il est représenté avec une abondante chevelure et une moustache broussailleuse, traits caractéristiques des Galates*. Entièrement nu, il porte autour du cou un torque (collier), bijou distinctif des guerriers celtes.

La statue confirme d'antiques sources relatives au mode de combat des Celtes de l'Antiquité, gaulois ou galates ; Jules César relate dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules que ses adversaires se lançaient dans la bataille entièrement nus. Selon l'historien grec Polybe décrivant les rangs d'une armée gauloise, tous les guerriers portaient un torque.

Le Galate mourant est l'une des plus célèbres œuvres de l'Antiquité à nous être parvenue.

*Les Galates sont des tribus celtes qui passées par la Gaule cisalpine, ont traversé la Macédoine - pillant au passage le Nord de la Grèce et Delphes - et la Thrace. Une partie de ces Gaulois retourne alors en Gaule et se fixe dans la région de Toulouse (les Volques Tectosages), une autre partie passe en Asie. Installés en Asie, les divers peuples s'organisent pour former un état. Trois peuples semblent avoir eu une importance : les Trocmes, les Tectosages et les Tolistoboges (ou Tolistoboii). La région occupée est "rude"; lorsque Rome la conquiert en 189 av. notre ère, elle leur octroie un statut particulier qui leur permet de fonder un "état-client", la Galatie, un royaume vassal, jusqu'à la mort du roi Amyntas. Cet état devient Province romaine en 25 av.notre ère.
On remarquera que notre galate mourant c'est pudiquement vêtu de feuilles de vigne en arrivant à Fontainebleau...

Comme Galatasaray, l'équipe de football d'Istanbul, le Galatasaray possède un nom rappelant les Galates, peuple celte établi au centre de la Turquie... On y reconnaît la racine /gal-/ que l'on retrouve dans Gaule, Galles, Galice etc. "-saray" en revanche veut dire "palais" (voir "caravansérail"), mais ce n'est plus celtique.
Place du Général de Gaulle, 77300 FONTAINEBLEAU
Accès gratuit
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