Il faut voir "Grand": Le site gallo-romain d'Andesina.
- Alain Foucaut
- 12 déc. 2017
- 3 min de lecture
Le site archéologique de Grand se situe dans le village de Grand et alentour.

Il correspond probablement à la ville gallo-romaine d'Andesina, relevant de la civitas des Leuques, qui devait compter près de 20 000 habitants répartis sur une étendue dépassant largement celle du village actuel (394 habitants en 2014 !).
La table de Peutinger

Les Leuques, désignés par les auteurs latins sous le vocable Leuci, étaient un peuple gaulois appartenant à la province de Gaule belgique (une des trois provinces gauloises créées par Auguste), à laquelle ils ont été officiellement intégrés vers 20 av. J.-C.

Le nom des « Leuques » est dérivé du celtique leucos, signifiant « clair », « brillant » d'où « éclair ». Les leuci seraient donc « les fulgurants » ou plus prosaïquement « les vigiles » au sens de gardiens vigilants de la frontière méridionale avec ce qui se nommera plus tard Gaule celtique. La même racine celtique se retrouve dans le gallois llug, le vieil irlandais luach « brillant ». L'indo-européen leuk « brillant », « clair », dont elle est issue, se perpétue également dans le grec leukos « brillant, blanc », le germanique leuk-ta (anglais light, allemand Licht), les mots latin lux, « lumière ».

Le nom antique de Grand serait donc Andesina selon la « Table de Peutinger », carte routière de l'époque romaine recopiée au Moyen Âge.

Le site de Grand fait l'objet de mentions dès le XVIIIe siècle. Au cours des décennies suivantes, la recherche sur ce site repose sur les conservateurs du musée départemental des Vosges, dont Félix Voulot, qui découvre en 1883 la « basilique » et la riche mosaïque qu'elle abrite. Au début du XXe siècle, des historiens de renom comme Camille Jullian, Albert Grenier ou encore Paul-Marie Duval étudient cette importante agglomération antique.

Dans les années 1960, Édouard Salin, animé comme ses prédécesseurs par la recherche du temple d'Apollon. La théorie de la présence d'un temple d'Apollon à Grand trouve ses racines du côté des théories romantiques sur la nature et les eaux, puis se développe progressivement sans pourtant jamais avoir été confirmée. Jullian fait naître l'hypothèse d'un temple des eaux: Les pèlerins se pressaient ici pour vénérer Apollon Grannus (dieu Guérisseur) et surtout profiter des vertus thérapeutiques de l’eau du plateau des “Hauts Pays”. L'existence du temple n'est cependant toujours pas prouvée.
Thierry Dechezleprêtre

En 2007, l'équipe du conseil général des Vosges dirigée par Thierry Dechezleprêtre, archéologue départemental, et groupée autour d'un Conseil scientifique présidé par John Scheid, professeur au Collège de France spécialiste du culte à l'époque romaine, relance la recherche, exhume les archives, et initie des travaux de terrain à Grand et dans le périmètre du territoire des Leuques. Les travaux récents remettent en question la théorie du sanctuaire dédié à Apollon Grannus.
Inscription votive en l’honneur d’Apollon

Plaque votive dédiée à Apollon: Fidelis Siluani / libertus Apolli/ni / u(otum) s(oluit) l(ibens) m(erito). « Fidelis, affranchi de Silvanus, a accompli son voeu à Apollon, à juste titre et de bon gré ».

Un rempart de prestige ? Erigé entre l'an 70 et 140 de notre ère, le site comportait une enceinte de 1750 m avec 22 tours et portes. Rarissime dans la moitié nord de la Gaule, un tel rempart n'a pas le rôle défensif qu'ont les enceintes urbaines en Gaule romaine contemporaines derrière lesquelles vont se protéger les villes du Bas-Empire romain. Citée dès le XIIe siècle par Rupert de Deutz, la muraille est progressivement démantelée jusqu'à disparaître au XIXe siècle.

Quinze kilomètres de galeries hydrauliques convergent vers le centre du sanctuaire qu'occupe la résurgence d'une rivière souterraine. Leur fonction était de régulariser le débit de la source. 307 puits ont également été répertoriés sur l'ensemble du site.

L'église est fragilisé par l'instabilité du sous-sol sur lequel elle s'appuie.

Elle est érigée sur la résurgence, au centre du village, l'emplacement du sanctuaire gallo-romain.

Construite à la charnière du du XVè et du XVIè siècle, elle a été restaurée par deux fois.

Mais le travail de sape poursuit inlassablement son œuvre... L'eau coule sans discontinuer et sort de l'église. Ce n'est que récemment que les fouilles ont démontré qu'une troisième restauration était inutile. Impressionnant !
Les légendes d'Andesina (: En 213, l'empereur Caracalla visite le sanctuaire et le restaure. Constantin y passe en 309 (se rendant à Trèves) et y fait son célèbre songe, notamment rapporté par son biographe Eusèbe de Césarée : l'empereur d'Occident aurait vu dans le ciel une croix flamboyante et entendu ou lu ce message : « in hoc signo vinces » (par ce signe tu vaincras).
rue de la Mosaïque, 88350 GRAND