Notre-Dame de la belle verrière
- Alain Foucaut
- 28 janv. 2017
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Les baies de la cathédrale de Chartres forment l'ensemble le plus complet de vitraux anciens conservé en France. « Notre-Dame-de-la-Belle-Verrière » (vers 1180) et trois lancettes de la façade ouest (entre 1145 et 1155) sont les plus anciens vitraux et sont des vestiges de la cathédrale de Fulbert. La plupart des vitraux sont contemporains de l'église actuelle et sont datés entre 1205 et 1240 environ. La rapidité des travaux explique l'homogénéité exemplaire de l'ensemble.

En 1194, un incendie ravage la cathédrale romane de Chartres. L’édifice est dévasté, mais quelques vitraux réalisés au XIIe siècle sont miraculeusement épargnés par les flammes, dont les panneaux, datés de 1180, qui représentent la Vierge Marie tenant sur ses genoux l’Enfant Jésus. L’église est très vite reconstruite selon les principes nouveaux de l’architecture gothique : le vitrail y prend de l’ampleur en raison des plus grandes dimensions des baies. Les verrières réalisées à Chartres au XIIIe siècle constituent un ensemble majeur, parmi les mieux conservés de cette période. C’est dans l’une d’elles que sont remontés les panneaux romans de 1180 représentant la Vierge. Ce vitrail prend dès lors le nom de Notre-Dame de la Belle Verrière.

Notre-Dame de la Belle Verrière se distingue des vitraux du XIIIe siècle par la couleur des habits de la Vierge, un bleu clair et limpide, le « bleu de Chartres », réalisé à base d’oxydes de cobalt. Aujourd’hui oublié, ce savoir-faire spécifique s’est diffusé avec les déplacements des artisans et a été mis en œuvre dans d’autres édifices ( Saint-Denis, Le Mans). Méprisé par les Romains, le bleu devient à partir du XIIe siècle l’une des couleurs nobles, notamment grâce à des innovations techniques (teinture) et à l’évolution de sa symbolique. Ainsi, le bleu du ciel divin, le bleu des armoiries des rois de France ou le bleu du manteau de Marie trouvent-ils leur place dans la société médiévale.
Le nom actuel de « Notre-Dame » de la Belle-Verrière désigne plus particulièrement sur ce vitrail la Vierge à l'Enfant de style roman représentée sur trois panneaux carrés.

Les vitraux forment des supports d’images qui permettent aux fidèles, souvent illettrés, de connaître les récits bibliques et l’histoire des saints qu’ils doivent prendre pour modèles. Dans le vitrail de Chartres, la Vierge est couronnée et se tient assise sur un trône, tenant son fils sur ses genoux. Ce type de représentation, où la Vierge apparaît à la fois en tant que reine du ciel et mère de Dieu, est appelé « Vierge en majesté ». Il s’est d’abord développé en Orient dans l’art byzantin à la suite du concile d’Éphèse en 431, durant lequel la Vierge est reconnue comme mère de Jésus. Mais il faut attendre le XIIe siècle pour qu’il s’étende de manière significative en Occident, avec l’essor du culte voué à la Vierge Marie. Les églises dédiées à Notre-Dame se multiplient alors, et les images de la Vierge à l’Enfant prolifèrent.
Plus tard, dès le milieu du XIIIe siècle, cette représentation hiératique de la Vierge fera place à celle d’une mère, pleine de tendresse et protectrice, intermédiaire entre les croyants et Dieu.
Une restauration malencontreuse en 1906 a laissé sa tête inclinée vers la droite.

Les anciens vitraux romans de Chartres sont célèbres pour leur bleu qui a fait la renommée de la ville et de sa cathédrale, le « bleu de Chartres ». Ce verre « bleu roman » très lumineux, mis au point dans les années 1140 sur le chantier de la basilique Saint-Denis, est utilisé par la suite dans la cathédrale de Chartres et celle du Mans, qui conservent une verrière au bleu de cobalt. On le retrouve donc dans les trois vitraux anciens de la cathédrale, l'Arbre de Jessé, le Vitrail de l'Enfance et le Vitrail de la Passion du portail ouest, et ici avec Notre-Dame de la Belle Verrière, sur une partie du vitrail. Le bleu employé dans les vitraux au XIIe siècle était coloré par un sel de cobalt importé depuis les frontières de la lointaine Russie. On trouve fréquemment comme commentaire que « le secret s'en est perdu », ce qui est une explication fantaisiste de sa disparition : le smalt n'a en réalité jamais cessé d'être utilisé dans l'art, mais avec la multiplication des verrières que permit le style gothique, ce bleu devint trop cher pour la fabrication des vitraux. Il fut alors remplacé par un bleu de manganèse plus courant, mais aboutissant à un bleu plus sombre tirant sur l’outremer. Ayant un fondant sodique coloré au cobalt, ce verre s'est révélé plus résistant à l'altération atmosphérique que les rouges ou les verts de la même époque. La différence entre le bleu gothique et le « bleu de Chartres » est particulièrement nette sur la Belle Verrière de Chartres, mais difficilement perceptible dans l'absolu, parce que les couleurs d'un vitrail varient avec la lumière extérieure, et les bulles d'air incluses dans le verre disperse la lumière en la faisant chatoyer, ce qui rend impossible d'en fixer l'impression réelle par la peinture ou la photographie. De ce fait, les trois baies romanes de la cathédrales sont moins connues pour leur « bleu roman » que ne l'est la « Belle Verrière », où la différence est particulièrement nette et immédiate entre le bleu de la Vierge centrale romane et celui de la bordure gothique postérieure.
16 Cloître Notre Dame, 28000 Chartres
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