L’abbaye de Barbeau
- Alain Foucaut
- 9 mars 2016
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Le Roi Louis VII (1119-1180)
Louis VII, fils de Louis VI, naît à Paris en 1119 et monte sur le trône en 1137. En cette même année, il signe un premier acte officiel transformant le donjon de chasse de Fontainebleau en "Château". Après ses guerres contre Thibaut de Champagne, pris de remords, il fonde en 1147 une abbaye des moines de Citeaux à Saint-Acyre (Sainte Assise près de Seine Port). Mais les bâtiments trop humides ne conviennent pas, et Louis VII la transfère à Barbeau en 1156. Ces moines étaient des agriculteurs et des viticulteurs, et quatre ans plus tard, Louis VII leur concède des vignes à l'emplacement connu aujourd'hui sous le nom de Clos des Moines. A la naissance de son fils Philippe-Auguste en 1165, Louis VII comble de biens cette abbaye.

Barbeau Le nom de Barbeau vient d'une légende précisant que Saint Loup, Archevêque de Sens et patron de Samois, quittant la ville aurait jeté dans l'Yonne (ou à Melun dans la Seine) un très bel anneau surmonté d'un béryl. Cet anneau aurait été retrouvé par un pêcheur dans le ventre d'un barbeau (poisson), juste à l'endroit où s'édifia l'abbaye. Celle-ci porte dans ses armes l'image du poisson. D'autres légendes circulent sur l'abbaye, notamment sur des souterrains, qui partiraient de Barbeau pour rejoindre Fontaine-le-Port, ou même Melun. Mais les quelques tunnels que l'on a trouvé ne suffisent pas à le prouver. Et une femme désirant un enfant devait se rendre, dit-on, à l'église du couvent et tirer la corde de la cloche avec les dents. D'après L.Millin (1791), elle devait le faire en présence du plus jeune des moines, ce qui était infaillible !!!

L'abbaye
Des ermites ayant fondé la chapelle de saint-Acyre en bord de Seine entre Melun et Corbeil sur l'actuelle commune de Seine-Port, ils la cédèrent en 1145 à l'abbaye cistercienne de Preuilly sise à Égligny, à condition que ses moines y construisent un monastère qui serait nommé Saint-Port - ce qui fut fait. En 1147 Louis VII érigea ce monastère en abbaye, avec pour premier abbé un moine de Preuilly nommé Marlin. L'abbaye est dédicacée à la Sainte Vierge et baptisée Sainte-Marie de Barbeau. En 1156 l'abbaye était transférée à Barbeaux sur une terre donnée par Louis VII le long de la Seine entre Melun et Fontainebleau. Le titre de sa fondation lui donne le nom de Sacer Portus (Port Sacré, dans la même ligne de pensée que Saint-Port), Sequanae Portus (Seine-Port) et Barbellus (Barbeaux) ; en 1500 on trouvera encore le nom de monastère de Notre-Dame de Saint-Port, dit de Barbeaux dans quelques titres. En 1160 Louis VII fait don à l'abbaye de deux arpents de terre et un clos de vigne à Fontaines.
Vestiges de l'abbatiale, demeure habituelle de l'abbé et qu'a occupé Louis VII et les personnages de marque qui venaient faire leur retraite à l'abbaye. Au début du vingtième siècle, il y avait encore deux tourelles.

Elle fut consacrée en 1178 par Guy de Noyers, Archevêque de Sens et Maurice de Sully, Evêque de Paris. L'abbaye de Barbeau était un joyau du Moyen Age, très richement décorée, mais ne fut jamais un centre culturel important; la modestie de la bibliothèque contrastait avec l'importance de l'abbaye. Les moines, nous l'avons dit, cultivaient et prospéraient par le commerce du vin et les taxes qu'ils percevaient des paysans et habitants des villages voisins (droits de chasse, droits de pêche, droits de navigation), ainsi que par l'exploitation d'un bac allant d'une rive à l'autre de la Seine. (Ce bac a d'ailleurs survécu à la destruction de l'abbaye jusqu'à la construction du pont de Fontaine-le-Port en 1862). De nombreux seigneurs firent également des dons importants à l'abbaye avant de partir en Palestine du temps des croisades.

Le Roi Louis VII fut inhumé à Barbeau le 19 septembre 1180; sa femme Alix de Champagne fit élever un splendide monument dans le choeur de l'abbatiale. Son tombeau était en pierre revêtues de marbre et supportait le gisant du Roi enveloppé dans un manteau qui tombait jusqu'aux pieds, portant une couronne ouverte et tenant dans sa main un sceptre surmonté d'une pomme de pin. Dans le linceul, elle mit une croix et des anneaux en or (qui furent pris par Charles IX lorsqu'il lui prit la fantaisie d'ouvrir le cercueil en 1566.)

Après cette date, de nombreux nobles et seigneurs furent inhumés à Barbeau (moyennant finances) et l'abbaye fut prospère jusqu'à la guerre de cent ans (qui commence vers 1360). Le Roi d'Angleterre, Henri V, vint s'installer au couvent de Barbeau vers 1420; ses soldats pillèrent et incendièrent l'abbaye, obligeant les moines à fuir vers Melun durant quarante années, revenant à Barbeau vers 1460. L'abbaye resplendit alors à nouveau, étant restaurée, embellie, et même agrandie.Mais à peine les travaux terminés, éclatent les guerres de religion. En 1520, Luther commence à publier ses livres et dès 1525, ses idées pénètrent en France. La guerre éclate en 1562, avec pour conséquence directe pillages et destructions massives. La région n'y échappe pas et l'abbaye de Barbeau est à nouveau fortement touchée. Ce n'est que sous le règne de Henri IV, sur le trône depuis 1589, que la paix revient avec en 1598 la publication de l'édit de Nantes qui réconcilie Catholiques et Protestants.L'abbaye se relève progressivement tout au long du XVII ème siècle; le Cardinal Pierre Egon de Furstemberg, alors abbé commendataire de Barbeau, entreprend la rénovation des bâtiments conventuels et de l'église abbatiale. L'abbaye redevient alors puissante; un acte de 1750 nous permet de savoir que son revenu annuel était alors de 20 000 livres, dont environ 4 000 devaient être reversées à la cour de Rome.

Déclin de l'abbaye En 1789 éclate la révolution et sans attendre la constitution civile du clergé, les quelques moines qui restaient à Barbeau quittèrent l'abbaye. Le pillage commence alors, et en 1793, l'ancien curé Métier qui saccageait toute la région à la tête d'une troupe de sans-culottes, incendia et détruisit l'abbaye au cours de l'été. Ils emportèrent une crèche de Bethléem, un Saint Pierre ainsi que la tête du gisant de Louis VII. Les meubles et matériels furent vendus en 1794. Voyant cet état des choses, l'abbé Lejeune, curé de Chartrettes à l'époque prit sur lui de déboulonner le tombeau de Louis VII et le transporta en secret à Chartrettes où il fut caché jusqu'en 1813, date à laquelle il put réintégrer l'abbaye restaurée sous Napoléon, puis obtint leur transfert à la basilique Saint-Denis par le roi Louis XVIII en 1817.

En effet, en 1810, l'État rachète l'abbaye (qui avait entre temps été vendue à une comédienne, croit-on), et confie la direction de ce qui devait devenir une école et maison pour les orphelines de la légion d'honneur, à Madame de Lézeau, supérieure générale de la légion. Barbeau prend alors le nom de Maison Impériale de Barbeau. L'empire s'écroule, et en 1817, Barbeau est à nouveau abandonné. Le 30 juin Louis XVIII fait transporter les cendres de Louis VII à Saint Denis, au cours d'une grandiose cérémonie dans l'église de Fontaine-le-Port à laquelle assiste, entre autres, l'abbé Lejeune. En 1826, Barbeau est mis en vente mais sans résultat; trois ans plus tard, un pensionnat pour jeunes filles est crée par Mademoiselle Marin mais l'entreprise échoue. Finalement, le 4 décembre 1837 l'administration des domaines vend pour la somme de 60 000 francs la propriété à un négociant qui, insensible au poids de l'histoire et à l'architecture du lieu fait raser la totalité des restes des bâtiments et construit un château et une ferme attenante.

De l'ancienne abbaye (en dehors de la propriété privée) il ne reste plus aujourd'hui qu'une glacière. La glacière est derrière ce vieux mur (le long du rû de la Gaudine, anciennement du Ravin)

En Europe, de nombreux châteaux et abbayes étaient équipés d'installations spéciales pour la conservation de la glace jusqu'à la fin du XIXe siècle. Il s'agissait de grandes pièces enterrées, ou bien de vastes puits, dans lesquelles on entassait de la glace récoltée sur les plans d'eau en hiver. La glace était isolée du sol et de l'air extérieur par de la paille et des branchages. L'eau de fonte était éliminée.


La glacière vue de l'interieur: On distingue bien la double cloison, améliorant l'isolation.

rue de la Gaudine, 77590, Fontaine-Le-Port
Propriété privée