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Le trésor de la tombe de Childéric

Sur le premier Mérovingien, Childéric, fils de Mérovée, les textes sont laconiques, contrairement à l’histoire de son fils Clovis.

Le tombeau de Childéric fut découvert à Tournai en 1653 par un maçon sourd et muet. Il étonne par son origine païenne et germanique. Le roi est enterré avec ses chevaux, portant au bras un bracelet d'argent et par son aspect Romain. Il portait un manteau de pourpre tenu par une fibule d'or, propre au général romain et un anneau au doigt servant à sceller les actes et portant l'inscription : Childéricus rex (Childéric roi). Le manteau était orné d'abeilles d'or, symbole mérovingien que Napoléon Ier adopta par la suite pour rappeler les origines de la France.

Sous le nom de Tornacum, Tournai était une ville importante du nord de la Gaule à la fin de l'époque romaine ; on ne peut prouver que Tournai fut sa capitale mais on peut penser qu'elle était sa résidence au moment de sa mort. Les fouilles de Raymond Brulet ont pu établir que la sépulture n'était pas isolée car elle fait partie d'une nécropole mérovingienne dont elle fut peut-être le noyau primitif. Si elle ne fut pas pillée, ce fut sans doute qu'elle bénéficia, outre de l'oubli de son emplacement, de sa situation privilégiée auprès de l'église Saint-Brice.

On découvrit également 300 abeilles d'or, que l'on prit d'abord pour des fleurs de lys puis pour des cigales. Selon Michel Rouche, il s'agit bien d'abeilles, car Childéric aurait emprunté lors de son séjour en Thuringe, une coutume adoptée par les Thuringiens soumis aux Huns. La cigale étant un insecte spécifiquement méditerranéen, elle n'est pas présente dans les steppes et les prairies. L'abeille symboliserait le matriarcat par l'image de la reine des abeilles « qui pond sans cesse et autour de laquelle gravitent toutes les autres. Incontestablement, la reine procrée sans mâle apparent. Elle affirme sa puissance matriarcale dans l'indistinction sexuelle. »

L’archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur des Pays-Bas espagnols, fit publier un rapport en latin, et le trésor fut d'abord confié aux Habsbourgs de Vienne, puis offert en cadeau en 1665 à Louis XIV. Ce dernier le fit conserver à la Bibliothèque royale (aujourd'hui Bibliothèque nationale de France). Napoléon s'intéressa beaucoup au trésor de Childéric et fit des abeilles un symbole héraldique remplaçant la fleur de lys des Capétiens.

Le trésor de Childéric, qui comprenait 80 kg d'objets en or, fut volé à la Bibliothèque royale dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831, et l'or fondu pour faire des lingots. On ne retrouva que quelques pièces (dont deux abeilles) dans la Seine, où on les avait jetées. Il subsiste aujourd'hui du trésor de belles gravures qui en ont été dressées lors de sa découverte, et quelques fac-similés que les Habsbourg avaient fait fabriquer. Cependant certains éléments du trésor ont été retrouvés et sont aujourd'hui exposés au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale. L'inventaire des objets donnés à Louis XIV par Léopold a été mis à jour en 1978, ce qui permet de connaître l'importance du vol.

L'analyse du trésor révèle des influences multiples. Childéric était Franc, et comme tout chef franc, sa tombe contenait un nombre important d'armes dont le scramasaxe et la spatha. La fibule qui fermait le paludamentum et son anneau sigillaire rappellent les usages des hauts dignitaires de l'administration romaine, même si, sur l'anneau de Childéric, figurent des détails d'inspiration franque tels que les cheveux longs. Plus de cent monnaies d'or ont été retrouvées, frappées en grande partie au nom de l'empereur byzantin Zénon. Cette somme venant de l'autorité impériale devait financer les Francs au titre du foedus et pour l'administration de la province de Belgique seconde. Certains éléments de décoration de ses armes sont d'inspiration byzantine. Les influences germaniques sont présentes dans la pompe funéraire et l'association du tombeau avec des fosses à chevaux situées à proximité, et la présence de nombreux bracelets en or. Enfin l'influence danubienne se manifeste dans le mobilier de la tombe. Elle est notable dans le grand nombre d'objets d'orfèvrerie cloisonnés de grenats, les parures à décor polychrome des plaques-boucles et les armes à décor cloisonné. Un usage similaire en a été fait dans les cours royales danubiennes, où se mêlent des traits culturels huniques, goths, alains et Sarmates.

Le contenu de la tombe révèle un roi qui a réussi la fusion « entre une culture païenne et germano-romaine ». Childéric Ier avait cependant l'avantage d'être le seul des rois barbares à ne pas être de religion arienne, mais païen, ce qui lui procura l'attention des élites locales et de l'épiscopat qui pouvaient espérer l'attirer vers le catholicisme plus facilement que les autres peuples barbares.

Le déploiement de faste de Tournai fut aussi le premier acte du règne du jeune Clovis.

Pour plus de renseignements ICI numéro 1 page 25

- Trésor de la tombe de Childéric

Tournai, Ravenne, Constantinople, Ve siècle

Abeilles : or, grenats ; H : 0, 3 et 0, 4 ; L : 1, 6 cm

Provenance : trouvés en 1653 à Tournai (Belgique)

Historique : collection de l’archiduc Léopold-Guillaume de

Habsbourg, gouverneur général des Pays-Bas espagnols († 1662) ;

legs à l’empereur Léopold Ier à Vienne ; cadeau diplomatique à

Louis XIV en 1665 ; volés au Cabinet du roi en 1831 (affaire de la

vicomtesse de Nays-Candau)

Paris, BnF, MMA, inv. 56.443 à 56.462

- Cigale

Ravenne ( ?), vers 470 - 490

Or, grenats et verre vert, L : 3, 5 cm, l : 1, 9 cm

Nuremberg, Germanisches National Museum, Inv. FG1240

- Fibule d’officier

Rome ?, vers 300

Or niellé, H : 7, 7 cm, L : 5, 3 cm

Paris, BnF, Inv. 56275

- Fibule de type Apahida-Tournai

Constantinople, vers 475

Or ajouré, H : 6, 5cm, L : 3, 5 cm

Paris, musée du Louvre, AGER, Bj 2264

6 Place Paul Painlevé, 75005 Paris

Accès payant

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